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Princeton. French Reading Proficiency Exam for Economics, 1949

 

The following Ph.D. examination for French reading proficiency (Princeton, 1949) was found in Martin Shubik‘s papers at the Duke University Economists’ Papers Archives.   Thanks to the BnF Gallica website, I was able to identify the source of the quote: Traité d’économie politique. 1er volume. Introduction à l’étude de l’économie politique (2e édition revue et mise au courant), pp. 86-88. The text is taken from the definition of political economy offered by  Gaëtan Pirou (1886-1946), author of the Traiteé cited. I have restored the use of italics from the original text.

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PRINCETON UNIVERSITY
Department of Economics and Social Institutions

French Examination
December 8, 1949

Parmi les besoins qu’éprouvent les hommes, il en est dont l’apaisement est aisé parce que la nature offre les moyens d’y pourvoir dans des conditions d’abondance et de gratuité telles que les individus, au moment où le besoin se fait sentir sont assurés de trouver, sans peine ni perte de temps, les éléments d’une suffisante satisfaction. Prenons l’exemple du besoin d’air. Il n’en est sans doute pas de plus impérieux que celui-là, puisque, si l’homme cessait de pouvoir respirer seulement pendant quelques instants, il mourrait. Pourtant, dans la vie courante et en circonstances normales, nous n’avons pas à nous préoccuper de ce besoin; sa satisfaction ne nous demande aucun effort et n’implique de notre part aucune combinaison préalable, parce que l’ambiance dans laquelle nous vivons contient, et met à notre disposition, une quantité d’air très supérieure à ce qui nous est nécessaire.

Pour un grand nombre de nos besoins, il en est autrement. La nature ne nous offre pas spontanément et gratuitement les moyens d’y satisfaire. Il est donc nécessaire que les hommes suppléent à cette pauvreté naturelle en appliquant, sur les éléments du milieu dont ils disposent, une série d’efforts, et opèrent certaines transformations en vue de modifier le milieu et d’en extraire des objets susceptibles d’apaiser leurs besoins, de combler leurs désirs. Ces efforts seront de nature et d’importance très variables selon les cas; ils consisteront tantôt en un déplacement de l’homme qui ira à la chasse ou à la pêche pour se procurer le gibier ou le poisson qu’il convoite, tantôt en une préparation des choses, que la nature renferme mais qui nécessitent, pour être aptes à l’apaisement de nos besoins certain aménagements: cuisson du poisson ou du gibier, dépouillement de l’animal, etc.; tantôt enfin il y aura nécessité d’une véritable fabrication, où l’action humaine sera si profonde que l’on ne reconnaitra plus, dans l’objet finalement obtenu, les matières qui auront servi de point de départ à l’opération. De toute façon, à quelque degré, l’homme aura dû consacrer du temps et fournir du travail pour assurer la satisfaction de ses désirs. Celle-ci aura donc un coût; elle sera onéreuse.

Dans les sociétés primitives chaque individu s’applique, par son effort personnel — et généralement à l’aide d’une technique rudimentaire — à tirer du milieu les moyens de sa propre satisfaction. Si la nature ne lui offre pas un abri suffisant contre les intempéries, il abattra des branches d’arbres, les émondera, les taillera, hypothèse, se construira une hutte. En cette hypothèse un seul et même individu accomplit toute la série des actes qui vont de l’effort à la satisfaction; il parcourt tout le cycle, de la production à laconsommation.

Dans la vie sociale moderne, il n’en est plus ainsi.

Généralement, ce n’est pas le même homme qui produit et qui consomme tel ou tel objet déterminé. Celui qui mange une banane n’a pas d’ordinaire consacré de temps et de travail à faire pousser le bananier. Le vêtement a été fabriqué par d’autres que celui qui le porte. Chaque individu, en effet, se spécialise sous des conditions et des influences que nous aurons plus tard à rechercher, cans la production d’une catégorie particulière d’objets. Un boulanger consacre la plus grande partie de sa journée ou de sa nuit à faire cuire des pains. Un opticien pendant des années s’adonne à la fabrication de lunettes. Le boulanger ne consommera lui-même qu’une très minime fraction des pains qui sortiront de son four. L’opticien, s’il a une vue normale, ne se servira aucunement des verres qu’il taille.  Ainsi, la plupart des individus coopèrent à des productions qui ne sont pas destinées, au moins pour la plus grande part, à l’apaisement de leurs désirs personnels. Ces articles, qu’ils produisent et qu’ils ne consomment pas, ils les vendent, c’est- à-dire qu’ils les échangent contre de la monnaie. Puis, grâce à cette monnaie, ils achètent à d’autres producteurs ou à des commerçants les marchandises diverses qui permettront l’apaisement de leurs désirs les plus variés.

A mon sens, l’économie politique a pour objet l’étude de ces faits d’échange par lesquels un individu abandonne à un autre ce qu’il détient pour obtenir en contre-partie ce qu’il désire — faits grace auxquels est établi le pont entre la production des richesses et la satisfaction des besoins.

Source: Duke University. David M. Rubenstein Rare Book and Manuscript Library. Economists’ Papers Archive. Martin Shubik Papers, Box 2. Folder “Exams, University of Toronto and Princeton 1947-50”.

Image Source: Faculté de Droit de Paris. Webpage: LXX (ou 70). Professeurs de Droit de Paris en caricatures (3/3).